• 2002 05 11/12 - Bertoni - Varese

    Il en est des sorties comme des évènements : certaines, sans démériter, se situent dans un cadre assez classique, d’autres sortent franchement de l’ordinaire.

     C’est sans conteste dans cette dernière catégorie qu’il faut ranger le week-end passé à VARESE (en Lombardie) les 11 et 12 mai derniers.

     En effet, nous avions décidé de répondre « Présents ! » à l’appel de Leonardo -  fils de Flaminio BERTONI, le génial dessinateur des Traction, 2CV, DS et Ami 6  – qui avait d’organisé un rassemblement international à VARESE pour commémorer la mémoire de son père en inaugurant une exposition et en présentant un livre biographique : « Flaminio BERTONI, son génie, son œuvre ».

     Il faut avouer que l’entreprise était audacieuse : Varese est située tout de même à 380 km de Nice et, en Traction, sur un week-end, ce n’est pas rien.

     Pour le coup, nous avions réservé entièrement l’Hôtel Plaza et 14 équipages de la T.U. (dont 2 sur DS / ID) complétés par 5 équipages du Club ami « Idéal DS » allaient le remplir, à savoir :

    • J. Claude ALBERT (11B), Michel ASSO (11B), Thierry BOUCHOT (11F), Paul BURRO (15/6), René CHAMPSEIX et Gérard HERSZLIKOWICZ (15/6), Alain CHARLES (DS23), Claude et Roger LANZA (ID20), Robert MATTEODA (1B), Marcel MOCALI (11F), Charly PERISI (15/6), Charly PERRUQUETTI (11B), Jean B. TEVERINI (11C), Alain TURLAN (7C), Claude VERDEGL (11C) - côté T.U.
    • Pierre COLUCCINI (DS23), Henri DOR et HENRI DARGENT (DS23), Dominique HOCH (DS20), Franck LESDANON (DS23), Thierry SOULARD (DS23) - côté Idéal DS.

     Les auspices n’étaient pas très favorables : les trombes d’eau qui s’abattaient sur la région encore la veille laissaient présager un voyage des plus inconfortables et puis, une fois encore, le soleil brillait le jour « J ».

     Bien évidemment, des  groupes se formaient suivant la vitesse de croisière des véhicules et les kilomètres s’égrenaient sans problème notables sinon mon boîtier de direction qui se dévissait, mais quelques tours de clé de 12 plus loin, tout rentrait dans l’ordre. Un pique-nique sympa. permettait de refaire nos forces et en début d’après-midi l’objectif était atteint : Varese nous ouvrait ses portes. Ou plus précisément les portes de l’Hôtel Plaza qui allait nous accueillir pour la nuit.

      Le temps de se refaire une beauté et c’était parti pour la Villa Recalcati où avait lieu l’inauguration de l’exposition consacrée à Flaminio BERTONI. L’occasion pour tous de découvrir les multiples facettes du talent de ce créateur infatigable dont on pourrait dire que l’activité dans l’automobile ne représentait que la partie visible de l’iceberg. Peintures et sculptures composaient aussi l’ordinaire de son menu.

     L’occasion de faire enfin connaissance avec son fils Leonardo avec qui Paul et moi avons été en contact pour mettre sur pieds ce voyage et qui n’a pas ménagé ses efforts avec force « mails ». Nous l’en remercions car le résultat a été à la hauteur de nos espérances. L’occasion aussi de rencontrer un personnage mythique : Bernard CITROEN, petit-fils d’André CITROEN , bonjour l’émotion !

    Après une visite libre dans les jardins (beaucoup de belles Citroën) et dans la Villa (beaucoup de belles œuvres), c’était le moment des discours prononcés par plusieurs personnalités :

    -     le Docteur Massimo FERRARIO - Président de l’Administration Provinciale ;
    -     le Professeur Francesco OGLIARI - Président de l’Association Internationale Flaminio Bertoni ;
    -     le Docteur Walter BRUGNOTTI - Directeur de la communication de Citroën Italie ;
    -     Leonardo BERTONI ;
    -     Bernard CITROEN .

     Tous ces discours étant en Italien, une certaine déception bien compréhensible a été perçue parmi ceux de nos membres qui étaient peu initiés à la langue de Dante : Mà, che volete farci [1] ? Pour les consoler, voici le discours de Bernard CITROEN, reproduit in-extenso (en français cette fois):

     « Varese, le 11 mai 2002
    Monsieur le Président, Monsieur Bertoni, Mesdames, Messieurs,
    Vous savez sans doute que c’est mon père, Bernard Maxime Citroën qui était l’invité des cérémonies de ce week-end. Malheureusement son grand âge (85 ans en juin) l’empêche de venir à Varese.
    Aussi m’a-t-il demandé, son troisième fils Bernard-Louis Citroën de le remplacer. Ainsi la famille Citroën sera, dans tous les cas, représentée par un Bernard, et c’est en tant que petit-fils d’André Citroën que j’ai l’honneur de prononcer cette allocution.
    Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite souligner les nombreux liens de ma famille avec l’Italie. Ma grand-mère Georgina l’épouse d’André Citroën était née en 1892 à Gênes. Je suis en fait un quart italien et je viens fréquemment en Italie pour raisons professionnelles. En fait, je vais souvent à Turin mais ce n’est pas pour voir Fiat. Parlant d’Italiens et Citroën on peut rappeler que c’est un ingénieur italien, M. Jacopozzi qui est allé voir mon grand-père avec l’idée de l’illumination de la Tour Eiffel.
    Dans le cas de Flaminio Bertoni comme dans celui de mon grand-père d’ailleurs «le génie n’a pas attendu le nombre des années ». Il est frappant de constater que lorsque Flaminio Bertoni rejoint Citroën en 1932, il a 29 ans et commence très peu après, à travailler sur la Traction Avant. Son génie a perduré même s’il a été peu reconnu.
    Lorsqu’on essaye d’analyser le succès d’une grande société, il est souvent difficile de distinguer ce qui vient de l’organisation et ce qui vient de certains individus. En ce qui concerne les usines Citroën avant 1935, 3 noms d’individus sont venus à l’esprit de mon père.  André Lefebvre qui a en particulier dirigé le projet Traction Avant, Maurice Sainturat responsable des moteurs pendant les années 30 et bien sur Bertoni. Les caractères distinctifs du succès de Citroën avant Bertoni étaient essentiellement la capacité a industrialiser et à organiser la production de voitures bon marché, le développement de modèle toujours techniquement avancée et bien sur l’utilisation géniale des techniques de publicité et de ce qu’on appelle aujourd’hui le marketing. Bertoni a rajouté un autre facteur de succès, le développement de voitures au design unique. Je voudrais citer John Reynolds, un historien qui a écrit une excellente biographie de mon grand-père « he was responsible for the shape and style of four of the most individual and instantly recognisable cars ever produced [..] the Traction Avant, 2CV, DS19 and Ami 6 ».
    Pour la petite histoire et parlant de marque, c’est Bertoni qui a redessiné le logo de Citroën, les chevrons qu’aujourd’hui tout le monde reconnaît immédiatement. Il est impossible de refaire l’histoire mais l’on peut se demander ce que serait devenu Citroën ou plutôt la marque Citroën sans Bertoni. Il n’est pas évident qu’après la mort de mon grand-père en 1935, sans la contribution de Bertoni la marque aurait survécu.  
    Beaucoup de spécialistes ont reconnu le talent de Flaminio Bertoni et je voudrai finir sur une autre citation de John Reynolds « Experts on automobile and industrial design now acknowledge that Bertoni must be ranked among the most gifted and influential stylists ever to have worked in the motor industry, on either side of the Atlantic. His achievement was to create the visual appearance of a quartet of completely original and radical designs, all of them hailed as cult-cars and icons of creativity ». Je suis très heureux qu’au-delà des spécialistes de l’histoire de Citroën une manifestation comme celle d’aujourd’hui permette de faire connaître la grande contribution de Bertoni au développement de l’automobile.
    Bernard-Louis Citroën

    Voici également les coordonnées de l’Association qui promeut les œuvres et le souvenir de Flaminio BERTONI :

    ASSOCIATION INTERNATIONALE FLAMINIO BERTONI
    Via Carnia, 277 21100 VARESE
    Tél 0332 813034   www.flaminiobertoni.it  -  Email info@flaminiobertoni.it

     

    Le reste de la manifestation s’articulait autour d’un apéritif et de la vente du livre de Leonardo avec les dédicaces souriantes en prime. Puis quartier libre : la possibilité de flâner au bord du lac de Varese tout proche ou de rouler encore, histoire de se changer les idées.

    Il faut signaler que nous avons été rejoints avec plaisir par Jérôme COLLIGNON qu’il n’est pas besoin de présenter dans ces pages et qui a partagé avec nous la fin de ce week-end. Nous avons également retrouvé avec émotion un de nos fidèles adhérents : Raphaël ATTARD (n°45, 1997) qui demeure à Milan et qui était donc venu en voisin.

     Le soir, après le repas, Paul faisait la présentation d’ Henri DARGENT qui nous avait fait l’honneur de sa présence. Comme chacun sait, il a été le collaborateur de Flaminio BERTONI et il a animé la soirée en racontant les anecdotes de la période qu’il a vécu au Quai de Javel. Petite plaisanterie à 2 F (pardon : 0,3 €), il est venu en DS avec Henri DOR, le frère du célèbre cardiologue : deux Henri, DOR et DARGENT, quel luxe !

     Le lendemain matin, branle-bas pour être au rendez-vous du rassemblement : dans un joyeux mélange nos voitures  s’acheminaient vers la Place Kennedy, près de la gare où elles allaient retrouver les autres participantes. On trouvait en nombre égal 2CV, DS et Traction et en quantité moindre des Ami 6. Un total dépassant la centaine de véhicules venus de France, de Suisse, d’Allemagne et même de Hollande. Un dossier contenant notamment une affiche et une reproduction d’une œuvre de BERTONI était remis à chaque équipage.

     n fin de matinée, tout ce beau monde formait un impressionnant cortège dans les rues de Varese pour rejoindre la Villa Recalcati que nombre d’équipages, arrivés le jour même, n’avaient pu visiter. Ceux qui l’avaient vu la veille ont eu le temps de le revoir et de réadmirer les magnifiques voitures présentes, dont celles de Vincent CRESCIA, collectionneur suisse qui nous a chargé de transmettre ses amitiés à notre Président : voilà qui est fait !

     etour à la case départ : les  250 convives se retrouvaient au  « Rayon d’Or », restaurant situé dans les murs de « notre » hôtel. Au cours de ce long (très long) repas, Bernard CITROEN prononçait quelques mots (en français cette fois) et Leonardo BERTONI procédait à la remise des coupes récompensant les différents mérites reconnus.

    Deux satisfactions pour la section : Raphaël ATTARD se voyait attribuer le prix de la Traction la mieux conservée dans son état d’origine notre groupe, le plus nombreux à participer était récompensé à ce titre d’une belle coupe. Ces marques, pour futiles qu’elles soient, sont une reconnaissance qu’apprécient particulièrement ceux qui ont organisé depuis de longs mois cette virée (contacts avec l’organisation, réservation de l’hôtel, des repas, tracé de l’itinéraire, collecte des chèques, vérifications, tout cela amplifié par la différence de langues et la distance – bonjour et merci les mails- : pas vrai, Paul ?) . Malgré tout, leur principale satisfaction a été les marques de contentement que les participants leur ont témoignées après le retour au bercail.

    Ce retour justement s’est effectué sans problèmes, en deux groupes : ceux qui ne travaillaient pas le lendemain restaient un jour de plus, les autres, tels des stakhanovistes du volant, sonnaient illico la charge de leur cavalerie. Pari tenu : 800 km en 36h (du samedi 8h au dimanche 20h), chapeau les mecs ! (Histoire de rester modestes, il faut comparer leur « perf » à celle du valeureux François LECOT : la marge de progression reste impressionnante 67 ans et de nombreux progrès techniques plus tard).

    Une mention spéciale à la famille LANZA, venue en force (3 générations dans la même auto) qui a réalisé une cassette d’une très grande qualité que tous les participants au repas bimestriel du 31 mai dernier ont pu admirer. A ne pas oublier de citer aussi parmi les méritants : Thierry BOUCHOT qui a fait tout ce périple avec ses 6 enfants dans sa familiale de 1938 .

    Pour clore ce (trop ?) long chapitre (excusez-moi si je me suis « lâché », mais l’événement était assez exceptionnel), un grand merci à Marcel MOCALI et Thierry BOUCHOT dont les entreprises ont sponsorisé la plaque de ce rallye que nous ne sommes pas près d’oublier.

    Amitiés à tous, Charly

     

     

     

     

     


    [1] En italien dans le texte : Mais, qu’est-ce que vous voulez y faire ?