• 1998 08 - Tracbar Dundee

    L'Australie en Traction, idée farfelue pour les accros de la voiture moderne mais merveilleuse pour ceux qui ont conservé cette manie de rouler encore avec des vieilles bagnoles.

    Alors pas d'hésitation, on y va.... dossiers, papiers, préparatifs en tous genres à commencer par la mécanique et puis deux ans après, ça y est on embarque ...

    Très vite on est dans le vif du sujet. On abandonne l'été français pour l'hiver austral qui s'avère vite pas si plaisant que cela. La Gold Coast qui nous accueille nous montre vite pourquoi elle est le paradis des surfeurs.

    Pas de vent ! Les rouleaux du Pacifique ne sont que vaguelettes. Une foi revenus, les surfeurs sont très emmitouflés, c'est dire si le vent est violent et froid. Comme nous ne sommes pas là pour ça, on sort les pull-over des valises et on ignore fièrement le temps qu'il fait. La première nuit en hôtel quatre étoiles ne nous fait pas oublier que bientôt nous laisserons la civilisation derrière nous.

    Dès la nuit suivante d'ailleurs, alors que le camp est installé dans un charmant coin de la montagne de Tambourine, le ciel nous fond sur le dos. Les tentes sont éprouvées l Mais au matin, alors que des colonies d’oiseaux criards nous ont réveillés brusquement bien avant le coq, le soleil est présent.

    Peu après tout le matériel est prestement plié à peu près sec. Peu importe, ce soir il sera de nouveau en service, il aura tout le temps de sécher ou de se remouiller !

    Et bien non, il ne pleuvra plus pendant les deux semaines suivantes. Au contraire une douce chaleur s'installera au fur et à mesure que l'on approchera du désert de Simpson dont la «porte» Est, Birdsville est le point le plus éloigné que nous devons atteindre.

    Une routine s’installe alors dans le programme. «Hop, des le matin, lève toi, l’heure sonne, hop dès le matin lève-toi gaiement». Il est bien temps de se rappeler cette chanson de nos jeunes années ! Car à partir de ce jour, il n’y aura plus de grasses matinées. La route est longue, les départs se font tôt le matin. Auparavant, il y a les instructions à recevoir de notre Eric, le chef bien aimé, pour la journée qui commence.

    Queue aux toilettes et douches si on n'a pas pris la précaution d’y aller quand les autres dorment encore !

    Routes et pistes souvent droites pendant des kilomètres à perte de vue, traversent une immensité toujours renouvelée. Les forêts d’eucalyptus et autres essences inconnues en France sont parfois en train de brûler.

    Elles font, petit à petit, place à une savane à herbe courte, puis le sable apparaît de plus en plus présent. A Birdsville, nous serons dans son royaume.

    Les paysages étonnent par leur immensité et les routes par le peu de circulation. Un australien m’a affirmé qu’en certains endroits on pouvait parfaitement installer un pique-nique sur la route sans y être dérangé !

    Mais si les convois sont rares, ils sont compensés par leurs dimensions. Croiser un <<road train» de cinquante mètres, tracteur plus deux ou trois remorques est courant, mieux vaut se faire petit !

    Chaque jour nous sommes informés que nous devrions rencontrer des kangourous. En fait, il y en a beaucoup... morts sur les bas côtés et souvent en état avancé de décomposition, odeurs en sus. Happés par un rare véhicule, ils n’ont pas «regardé avant de traverser» mais quand notre horde de quarante deux Traction passe avec le vacarme que nous faisons, il faudrait un candidat au suicide pour oser passer devant.

    Comme, semble-t-il, ils ne sont pas non plus curieux contrairement aux vaches devant les trains, je n'en ai vu aucun. Seuls deux émeus ont réussi la traversée, mais alors nous roulions seuls. Les grands animaux se faisant rares, comme le héron de la fable, nous nous sommes contentés de limaçon. En fait, d'un shingle black, genre de lézard à grosses écailles et à la langue bleue noire qui, nous voyant s'est caché sous un monceau de branchages. Décidés à le voir de près, nous avons déblayé toute sa couverture avant de le découvrir dans un tas de feuilles. Ramené sur la route pour la photo. Il est probable que le pauvre animal a eu la frayeur de sa vie.

    Un serpent subi le même sort avec plus de précautions toutefois. Il n'avait cependant qu’une envie, nous filer entre les jambes.

    Pour notre troisième rencontre, il a fallu tricher. Ayant «pilé» devant un joli iguane, nous avons dû convenir qu'il ne se sauverait plus, touché, lui aussi par un précédent véhicule, il était mort ! Qu'à cela ne tienne, installé sur l’aile de la 15/6, il reprendrait son air féroce (soit disant) avant de replonger dans son éternité.

    On alignait ainsi petites villes, villages, puis fermes, quelques habitants par ci par là mais toujours recevant un accueil que pas un français serait capable de donner. Les affiches apposées sur les murs en avant du rallye nous garantissaient la présence des enfants des écoles municipales, de la foule des curieux et la haie des sympathisants.

    Combien de «Marseillaise» jouées par les orphéons locaux alors qu’aucun de nous ne connaissait l'hymne Australien malgré la tentative de notre sympathique 02 pour nous inculquer quelques rudiments de musique.

    Nous avons connu plus fort que nous, d'abord en croisant un quidam sur un vélo qui ne faisait rien de moins que la traversée du pays... quelques sept mille kilomètres, excusez du peu !

    Le deuxième utilisait un moyen somme toute normal mais encore plus ancien que nos Traction. C'est avec deux chameaux qu'il tentait la traversée du désert central (Simpson). Pas complètement dingue cependant, il s'était équipé d'un G.P.S.

    Il faudrait encore citer toutes les incroyables rencontres faites. Citroën est loin d'être inconnu là-bas. Il y a des clubs très enthousiastes avec de «belles vieilles» comme on les aime.

    Que diriez-vous d'une DS21 de 500 OOO miles (plus de 800 000 km) avec seulement deux moteurs successifs utilisés et une carrosserie toujours en parfait état ? CX, DS, 2CV roulent encore mais, semble-t-il surtout dans des manifestations comme la nôtre.

    Heureusement, le nouveau garage Citroën ouvert en présence de notre horde sur la Gold coast, remédiera bientôt à cette absence de Citroën récentes sur les routes de cette île-continent.

    Le retour à la civilisation s’est fait brutalement à Glenn Innes. Là, il n’y a plus de busin, ni cow-boys. Nous sommes dans une jolie petite ville bien anglaise. La pluie nous a rattrapés depuis la veille et la température est basse, si bien que le matin nous éveille avec gelée blanche et température à moins cinq degrés.

    Evidemment la campagne est redevenue verte mais la pluie nous suivra jusqu’au bout.

    Retour à Tambourine, notre point de départ. Les habitants se sont répartis les équipages afin de tous les recevoir chez eux pour une dernière veillée en famille.

    Ultime étape ensuite jusqu'à Broadbeach où un comité d'accueil exceptionnel a été réuni, majorettes, musique, French Cancan, Consul de France et surtout les miss du Indy Cat de Brisbane (qui doit avoir lieu dans quelques jours) très joliment dévêtues qui nous offrent le champagne de l’amitié.

    Le retour en France suit peu après mais ce n’est qu’une formalité (triste) après tant de sympathie rencontrée.

    Trop de choses manquent dans ce bref aperçu de notre expédition. Il aurait fallu raconter la course de cent kilomètres sur la plage le long du Pacifique, les fêtes avec les costumes «pingouins», les musées visités, les pubs et leurs flots de bière, les flying doctors, les danses et la musique aborigène, comment on transforme une épave de DC3 en camping-car et bien sûr, les faiblesses de nos Traction toujours réparées par |’excellente équipe d'accompagnement... etc...

    C'est un livre qu’il faudrait écrire pour bien représenter cette aventure !

    JC POULAIN

    (Section Méditerranée)